La relocalisation, c’est Sacred
Posté le Thursday 24 Dec 2015 par virginie. Il y a 7 Commentaires
Après quelques détours bucoliques, nous sommes finalement arrivés à destination chez Sacred, accueillis par nos hôtes du jour : Florian, le Directeur, et Emmanuel, Responsable Qualité et Process. Pour nous, l’enjeu principal de cette visite était de vérifier la possibilité d’une relocalisation de la fabrication des semelles de nos sneakers 1083, actuellement produites au Portugal. Encore récemment, nous pensions qu’aucune entreprise française n’était en mesure de répondre à cette activité… Par chance, à la suite d’un reportage télé consacré à 1083, Florian avait eu la très bonne idée de contacter Thomas :)

Pour vous situer le contexte, Sacred, implanté dans le petit village de Bert, c’est d’abord une histoire d’entreprise française comme on les aime, ayant réussi à préserver un savoir-faire tout en s’adaptant aux évolutions technologiques. Le bâtiment dans lequel travaillent aujourd’hui 40 salariés est implanté sur une ancienne mine de charbon… En 1965, le patron lyonnais de Gouillardon Gaudry, spécialiste du caoutchouc, s’offre une maison de campagne dans la région et rachète l’établissement qui fabriquait des pièces pour machines agricoles. La production de semelles pour chaussures connaît alors ses meilleures années avec plus de 300 000 paires en sortie d’usine chaque mois.
En 2000, le destin de cette petite entreprise rejoint pour la 1ère fois celui de la Drôme avec le rachat d’un fabricant de semelles de chaussures, Caty Polymères, situé près de Romans, alors placé en liquidation judiciaire. L’usine bourbonnaise en profite pour récupérer une partie des machines, notamment un mélangeur à cylindres que nous avons pu voir en fonction :)

Ce n’est qu’en 2008 que le Groupe Sacred, expert en élastomères et thermoplastiques, s’intéresse au savoir-faire local et décide de racheter l’usine de l’Allier. Il opère alors une stratégie de diversification en orientant 85% de la production vers les mélanges de caoutchouc pour des isolants de fils électriques. L’atelier conserve malgré tout une empreinte dans l’industrie de la chaussure grâce à une gamme de semelles techniques en caoutchouc (les 15% restants du CA), celles qui nous intéressent :)
Étonnamment, l’entreprise n’est pas confrontée aux mêmes contraintes que celles que l’on connaît en Rhône-Alpes avec des métiers industriels qui ont du mal à séduire (surtout les jeunes), et un fort turnover… Bien au contraire. Seule usine à 15 ou 20 kilomètres à la ronde, dans une région assez fortement marquée par le chômage, Sacred n’éprouve aucune difficulté à recruter ni à garder son personnel… Aujourd’hui, une dizaine d’ouvriers expérimentés travaillent encore à la fabrication de semelles en petites et moyennes séries, souvent pour des marchés de niche, avec une moyenne de production de 25 000 paires mensuelles.

Après quelques échanges stratégiques sur d’autres projets en cours avec Sacred (vous n’êtes pas au bout de vos surprises…), Florian et Emmanuel nous embarquèrent donc pour une visite guidée des ateliers. À commencer par l’entrepôt de stockage de la matière première. Dans leurs semelles, vous retrouvez en effet deux types de caoutchouc… Le premier est naturel, directement issu de la transformation du latex sécrété par l’hévéa et en provenance du Vietnam - sa culture s’est essentiellement développée dans le sud est asiatique. L’autre, dit synthétique, est un dérivé du pétrole avec une formulation plus stable et plus facile à transformer. Il est aussi moins cher.

Quelle que soit son origine, le caoutchouc doit être mélangé à d’autres ingrédients puis chauffé pour mieux résister aux écarts de température (il fond à température haute et devient cassant à température basse). On lui ajoute ainsi des charges comme le noir de carbone qui améliorent les résistances mécanique et à l’abrasion, des huiles aussi appelées plastifiants, du soufre et différents additifs tels que des colorants ou des agents gonflants. Le tout pour obtenir des plaques de caoutchouc dont la couleur et la dureté sont plus ou moins définitives.
En les réchauffant, les ouvriers préparent et découpent des ébauches dont le volume est adapté au moulage des semelles, en fonction de la pointure voulue (il faut un moule différent par pointure!). L’étape suivante est celle de la cuisson, qui dure entre 8 et 10 minutes, et qui permet de finaliser le procédé chimique de vulcanisation. Cette phase, comme la cuisson d’un pain, est irréversible, ce qui explique que le caoutchouc soit difficilement recyclable. Chaque presse - il y en a une dizaine en fonction chez Sacred - contient 4 moules afin d’augmenter la capacité de production.

Il n’en aura pas fallu plus pour nous convaincre :) La richesse humaine et l’expertise dégagées par cette entreprise ne laissent pas place au doute… Une manière pour Sacred de rejoindre à nouveau le sort de la Drôme après le rachat de Caty Polymères… Et pour nous de relocaliser la fabrication des semelles de nos sneakers en France :)
En développant nos propres moules, nous allons pouvoir utiliser ces nouvelles semelles pour la saison hiver 2016… Et que les grands pieds se réjouissent, en plus d’être économiquement vertueux, ce système devrait nous permettre de répondre à la demande grandissante (!) des pointures au-delà du 46.
Cerise sur le gâteau, Sacred mène depuis déjà quelques années une stratégie de R&D pour améliorer le taux de recyclé dans ses semelles… Leur laboratoire arrive désormais à intégrer des fragments de caoutchouc recyclé pour diminuer la consommation de matières premières.

Leur équipe recherche la formule magique pour passer du taux actuel de 10% à 50% et limiter la détérioration des propriétés du caoutchouc en termes d’abrasion et de résistance. Et nous, on y croit :)
Virginie
Les différentes étapes de la fabrication des semelles :








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